Les dimanches
Petite, le dimanche était associé à la séparation et aux retrouvailles. Celui du retour à la maison, le trajet de chez papa à chez maman, le silence dans la voiture sur la nationale 20, moi les yeux par la fenêtre, espérant que la voiture un jour ira plus vite, mais sans avoir d'accident. Puis ensuite, décharger les légers bagages du coffre de la voiture dans le Garage (oui un grand G à ce Garage, ce n'est pas n'importe quel garage, c'est LE Garage), se déchausser, filer dans la cuisine pour sentir les odeurs de maman qui cuisine, du p'tit frère qui joue à je ne sais quoi dans la chambre bleue, et les deux papas qui faisaient la conversation de politesse dans le Garage. Puis j'accourais embrasser le papa Numéro Deux et le laisser partir seul dans sa voiture en train d'écouter Rires et Chansons. A quoi il pensait ce papa là en laissant sa gamine à un autre papa ?
L'autre papa, il faisait des blagues à table, le p'tit frère en rajoutait, et les deux filles en riaient. Mais l'heure tournait. Et bientôt, dans la maison bleue, on devait se brosser les dents, faire un tour aux toilettes, faire des bisous, dire la phrase magique de la famille avant de pousser les portes. Ca fait quoi les parents quand les enfants étaient couchés ?
Et dans ma chambre boisée, la tête sur l'oreiller, je tendais les écoutilles pour écouter les bruits de la maison, les chuchotements, la chanson des oiseaux dans la chambre à côté, le vent et la pluie dehors, puis la radio. La musique classique pour s'endormir avant de retourner à l'école. Et rassurée par tout ça, la petite fille, elle oubliait tout, le papa qui était loin, qui ne lui souhaitait pas bonne nuit les dimanches soirs pour la rassurer. Non, les dimanches soirs, elle était si bien calée dans son lit moelleux, avec les voix réconfortantes de papa Numéro Un et de maman Tout Court qu'elle s'endormait comme une princesse de son rang. Ca rêvait à quoi une petite fille dans la nuit du dimanche au lundi ?
Maintenant les dimanches, ça restent toujours nostalgiques, mélancoliques. Parce qu'il y a les dimanches anciens qui ressurgissent pour étreindre la gorge. Et maintenant, seule, il n'y a plus de petits bruits à écouter derrière la porte. Alors on retarde déjà le lever, on prend son temps pour petit déjeuner, on essaye d'étirer le temps en espérant qu'il passe plus vite. Parce qu'un dimanche, c'est long, c'est lent...
Les dimanches, parfois, on va au cinéma, au resto, parce que c'est les seuls trucs d'ouverts. On s'occupe pour ne pas voir filer la journée. On se mijote des petits plats, on regarde la télé.
Et même aujourd'hui, les collocs sont tous rentrés chez leurs parents, le seul restant travaille. Alors on reste trois heures sous l'eau chaude d'une douche puis on traîne en peignoir, les cheveux en pétard, un thé fumant à la main, une clope chourrée et on se pose à la fenêtre et on regarde la pluie tomber sur la cour des flics. C'est triste un dimanche.
Et même quand il fait beau, un dimanche, ça reste bizarre. Ca serait un peu comme une ritournelle enfantine, des chevaux de manège qui font des vas et vients, des rires d'enfants qui s'effacent dans le ciel, cherchant à attraper une queue pour avoir un tour en plus et encore une fois, rallonger le dimanche même si on le trouve déjà d'une longueur rébarbative.
Et le dimanche d'après, on se rappelle encore les vieux dimanches.
~ Oreille ~ Arnold Layne ~ Pink Floyd