Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Avec des pincettes
5 octobre 2006

Euphorie ou ne plus savoir où mettre sa tête

Ca commence dimanche soir. Après cette note sur les dimanches, bien sûr. Tout est lié toujours. en connexion. Une immense toile pleine de petites pattes d'araignées qui tissent, sans savoir où se mettre.

Message d'Alexandre d'il y a longtemps, comme il dit. Il me faut bien plusieurs minutes pour m'en remettre. Il me dit partir en Chine. Le lendemain matin. Je ne fais qu'un tour sur moi-même. Je prends le numéro qui s'affiche, puisque cela faisait longtemps qu'il n'existait plus dans mon répertoire. J'appelle. On se surprend. Je ne reconnais pas sa voix, puis je m'y habitue de nouveau. Les mêmes intonations. Les infos fusent. Pacsé, diplômé, parisien, amoureux. Il prend donc l'avion pour rejoindre son homme parti en Chine depuis trois semaines pour une durée indéterminée mais s'évaluant à deux ans. Il me donne des nouvelles vite fait de Lucie qui prévoit de partir en Irlande pour une année en tant que fille au pair. Puis de Simon qui a réussit haut la main ses études en hôtellerie et qui habite Grenoble. Je lui donne des nouvelles de moi, bien sûr, puis de Sarah, de Julie. Il me dit faire un bilan sur sa vie passée avant de partir à l'étranger. Car ses parents vont eux aussi déménager pendant son voyage.
Il dit donc au revoir à son enfance. Il dit au revoir à cette rue dans laquelle on habitait tous les deux. Cette rue dans laquelle il courait presque tous les matins lycéens pour que mes parents l'embarquent avec moi. Je me souviens d'un garçon timide, gentil, qui m'impressionnait avec ses beaux cheveux, sa peau blanche qui semblait fine, ses discours intelligents, ses cassettes de Simon and Garfunkel, sa prestance sur une scène de théâtre, ses gestes malhabiles, comme gêné d'être là, comme pas à sa place, ses confidences dans sa voiture, ses lettres qu'il m'envoyait dans ma petite chambre puante d'ennui d'étudiante clermontoise, ses lettres où il se dévoilait beaucoup plus qu'à l'oral, comme moi, puis quelques rencontres râtées où nous nous sommes éloignés.
Et le regret maintenant d'avoir perdu un garçon comme lui. Alors oui, bien sûr, je lui écrirai des mails direction Chine et j'imaginerai une vie qu'il mène avec son amant.

Puis bien sûr, il y a Simon aussi. Sur Grenoble. J'en ai manqué perdre le souffle. Trop en une soirée. Après avoir quémandé son numéro perdu, je m'installe sur mon lit, jambes en tailleur, hésitante, puis j'appelle. Lui, je reconnais sa voix tout de suite, parce que je me la suis rappelée avant. On se souvient, on pouffe, on glousse, on en revient pas. Un an qu'il traîne sa carcasse maigre dans les rues grenobloises avec sa copine, et moi qui entame ma troisième année. Lui, il est toujours aussi bavard, aussi rieur, blagueur. Et je me souviens d'un jeune homme maigre aux cheveux difficilement coiffables, aux yeux bleus à l'image d'un Jared Leto défoncé, je me souviens de sa difficulté à aimer les filles, ou plutôt à se faire aimer d'elles, car c'est bien connu : qui copine trop ne couche pas. Mais moi je me souviens de soirées chez lui à manger des cerises, à lui confier des secrets encombrants, à l'écouter parler de choses qui le touchent avec un sourire en coin, apeuré d'être sérieux, à l'époque je cherchais son contact parce qu'il me rassurait, parce qu'il savait ce qu'il ne fallait pas savoir sur moi, parce qu'il était discret, parce qu'il me chantait Serge Gainsbourg pour me donner le sourire, parce que je devais rire comme France Gall, cristalline, parce qu'il se moquait de moi et de ma dévotion à Gainsbourg, parce qu'il m'aidait en anglais.
Alors, voilà, je le revois samedi prochain pour déjeuner en ville ensemble. Après quatre années de silence sans savoir réellement pourquoi. Les mots se bousculeront sûrement, trop de choses à dire en si peu de temps, résumer quatre années, se rendre compte combien c'est facile, tout cela.

Et de l'autre côté, il y a Sarah. Qui revient. Qui envoit des messages étranges, où elle dit que je lui manque, où elle dit qu'elle pleure, où elle dit qu'elle écoute telle ou telle chanson et qu'elle pense à moi. Alors enfin, un soir, je prends le temps, le courage, l'envie, de composer son numéro. Elle habite maintenant Bourges, toujours avec son mec, son chat, elle semble ne pas avoir changé, toujours à se plaindre, toujours fatiguée, toujours blasée, toujours avec cette idée que je me fais des couples : maison, mari, amant, baby, chat, chien, fleurs, bagues au doigt, coeur transpercé. Ou est-ce moi finalement la fille blasée ? On ne trouve pas grand chose à se dire en fin de compte. On parle musique, concerts, parents, études. Je joue l'intéressée. Je suis faible. Et elle ne sait toujours pas pourquoi je me suis éloignée brusquement. Elle n'a toujours pas compris que je comptais sur elle quand j'allais mal, que je n'étais pas juste là pour essuyer ses peines de coeur de fillette qui découvre qu'il y a d'autres garçons que le sien. Et même si ce soir je passe plus d'une heure au téléphone avec elle, à se raconter, à l'entendre pleurer, elle me parle de mariage, je suis à dix mille lieux d'elle. Moi je navigue tant entre les autres que me poser me semble incongru, je comprends pas, mais je rassure, j'écoute. Comme avant.
Et je rappellerai samedi car l'envie me démange de lui raconter les nouvelles des autres. Partager cela avec quelqu'un qui les a connu, comme moi. Arrêter peut-être d'être si fière, mettre un terme à mes convictions les plus sûres pour retrouver une amie, mais de manière discrète. Pas comme avant.
Non. Pas comme avant. Finalement. On a grandit, on a vieilli, on a plus les mêmes centres d'intérêt, sans doute même nous n'en avions pas tant que cela puisque nous avons tant divergé par la suite. J'en sais rien. Mais les souvenirs d'elle me semblent lointains. Je les caresse sans nostalgie, juste un brin de sourire. Ils s'évadent, je les offre au vent, je me les rappelle sans regret, tellement lointain. Et ce soir ils sont là pourtant, ils se bousculent, ils m'agressent presque. Mais moi, ça ne me fait pas pleurer.

Puis dans un autre style, il y a aussi mon vrai père. L'inconnu X. Celui dont je porte le nom, que je souhaite connaître pour ne pas avoir de regret cette fois. Mais j'ai encore besoin de temps. Pour le moment, je me plais encore dans mon cocon familial où il n'existe presque pas. Où un autre a pris sa place. Un autre qui la tient mieux que lui. Et même dire cela, ça m'écorche.
Et pourtant, ça m'écorche aussi de le nommer papa quand je lui parle, parce que ce titre lui convient si peu au final. Non, il convient à l'autre. Il convient à l'homme dont je ne porte ni le nom, ni le sang, ni même une vague ressemblance physique. Il convient à celui qui m'appelle sans obligation de liens familiaux désuets. Il convient à celui qui m'a élevé, qui me connaît, qui m'a vu grandir, me construire tranquillement. Il convient à celui dont j'ai hérité du sens intellectuel.
Mais même. Pourtant. Le vrai père, le biologique, il surgit toujours. Il me fait culpabiliser. Il m'oblige. Il me fait pleurer. Il me fait pitié. Et je ne sais pas trop si j'ai envie d'avoir pitié de mon propre père. Je suis toujours aussi paumée avec lui. Je ne sais jamais comment l'aborder, j'ai toujours l'impression de le déranger, je ne sais pas engager la conversation, je n'ai rien à lui dire. Et ça me rend malade. Car je me force. Pour ne pas le blesser. Mais c'est moi que je blesse. Et j'ai aussi peur de blesser l'autre, le Papa, le vrai, celui du réel. Alors pour le moment, je me laisse porter. On verra bien. J'ai aucune envie de tout brusquer.

Et pour finir, cette phrase d'Alexandre d'il y a longtemps, quand on avait six ans, quand on entrait au CP, quand on était des enfants pas si innocents que cela.
"Il ne faut pas l'embêter, ses parents sont divorcés."

~ Oreille ~ Girl Anachronism ~ Dresden Dolls

Publicité
Commentaires
E
C'est drôle mais, je te lis et j'ai envie de parler avec toi de ce qui me bouffe de l'intérieur. Je me dis que toi tu me comprendrais. Serait-ce que je n'arrive plus à en parler à des gens de mon âge ? Serait-ce dû à ce qui semble être en toi ? Finalement, je vais faire comme d'hab... rester dans mon petit coin et n'en parler à personne... D'abord qui ça interesse une vieille aussi paumée qu'une ado ?
J
Voilà...j'ai les larmes qui coulent.
Publicité